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Photo du rédacteurJulian Jencquel

L'équipe interne

Mon objectif aujourd’hui est de commencer une exploration des différentes techniques de gestion de conflit. Je propose pour cela de commencer par délimiter les contours de ce que nous appelons un conflit, afin d’éviter toute confusion. L’origine latine du mot – conflictus ou confligere – fait allusion à une lutte. Cette lutte peut se produire à l’extérieur, entre deux ou plusieurs antagonistes, mais aussi entre plusieurs sentiments, et donc en interne.


Cette situation est à distinguer d’un désaccord qui résulte d’opinions divergentes, qui peut être le point de départ d’un conflit, mais qui n’en est pas forcément un. Il faut pour cela que le désaccord porte sur un intérêt en commun qui va diviser les antagonistes. Il est important de savoir distinguer entre les deux, car cela permet de faire un diagnostic plus précis d’une situation de tension émergente. Un désaccord se résout en effet plus facilement qu’un conflit.


Première question que j’ai envie de vous poser : êtes-vous sous tension en ce moment, en raison d’une relation difficile avec une autre personne ? Si oui, ceci va vous intéresser directement. Si ce n’est pas le cas, gardez-le sous le coude pour un autre moment, tôt ou tard vous en aurez probablement besoin.


Allons-y pour une première technique.


Nous l’appelons « l’équipe interne », une méthode inventée par Schulz von Thun. Il s’agit en premier lieu d’une confrontation avec vous-même, d’un dialogue entre les différentes voix qui animent votre processus interne, dans le contexte de cette tension avec une autre personne.


Pensez à la personne avec qui ça ne va pas en ce moment, puis imaginez qu’il y a en vous plusieurs voix qui parlent de cette personne. Pour chacune de ces voix, vous allez inventer un nom.


Prenons un exemple : vous vivez une tension avec l’un des membres de votre équipe, Jacques, actuellement en télétravail. A chacune des réunions d’équipe récentes sur Zoom, il émet une opinion contraire à la vôtre. C’est un changement, puisque par le passé cela ne vous avais jamais frappé. Vous avez réagi à chaque fois en argumentant, cherchant à démontrer que ses objections étaient injustifiées. Votre manager ne prend pas position, mais vous ne vous sentez pas vraiment soutenu.


Une première voix parle en vous, appelons-là « le justicier masqué » : « Jacques doit être remis à sa place, je vais me venger ». Une deuxième voix, « le gardien de la morale » dit : « Jacques a tort et j’ai raison, je dois le démontrer ». Puis, il y a « le nounours », qui vous demande de prendre soin de vous. Arrêtons-nous là. Il peut y avoir encore d’autres voix, mais avec trois membres nous avons déjà une bonne petite équipe. Maintenant, posez-vous la question suivante pour chacun de ces personnages : « Quel est son principal besoin ?

Le justicier a besoin de justice. Qu’est-ce qui est injuste ?

Le gardien veut protéger les valeurs. Laquelle est en péril ?

Le nounours veut se sentir en sécurité. En quoi Jacques représente-t-il une menace ?


Ce n’est qu’un exemple, bien sûr. Faites-le de votre côté en créant dans un premier temps vos propres personnages. À présent, il vous faut engager un dialogue avec ces trois membres de votre équipe interne. Le simple fait de prendre ce recul par rapport à vos ressentis, de les externaliser en quelque sorte en leur donnant une identité, cela va vous permettre d’identifier vos intérêts, qui sont en jeu avec Jacques.


Je vous conseille de prendre une feuille de papier et de dessiner un personnage avec un ventre énooooorme. La tête du personnage est la vôtre, et à l’intérieur du ventre se trouvent les trois autres membres de votre équipe interne. Où les situez-vous les uns par rapport aux autres ? Que se passe-t-il donc derrière les coulisses entre ces trois personnages, comment dialoguent-ils les uns avec les autres ? Faites des petites flèches, utilisez des couleurs pour établir le rapport de forces qu’il peut y avoir entre eux.


Ensuite, faites une colonne par personnage dans un simple tableau et listez les besoins de chacun. Classez-les par ordre de priorité et imprégnez-vous de leurs besoins. Si possible, essayez de trouver une image qui représente chacun des besoins. Si je vous demande trop, ce n’est pas grave, contentez-vous de mots.


A présent, vous pouvez formuler des phrases avec chacun de ces besoins. Imaginons qu’il s’agisse d’un besoin de justice. La phrase pourrait être : « J’ai besoin de sentir que Jacques me traite d’égal à égal. En ce moment, j’ai l’impression qu’il me prend de haut ». Et ainsi de suite.


Une fois que ces phrases sont faites, apprenez-les par cœur. Lors de la prochaine interaction avec Jacques, attendez de voir si une situation déclenchante se produit. Lorsque ce sera le cas, vous pourrez soit exprimer votre besoin, de manière posée mais ferme, soit le garder pour vous mais le laisser guider votre comportement. En d’autres termes, vous pouvez à chaque instant vous demander si vraiment il y a injustice et dans quelle mesure vous entendez répondre.


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